Culture
Portrait de femme dans la tech : Julie Cristofol
Cinq portraits, cinq voix. Non pour ériger des modèles, mais pour élargir notre regard sur la tech. Avec Women’s Vision, il s’agit moins de célébrer que d’écouter. Accueillir les voix discrètes, les chemins sinueux. Et reconnaître d’autres façons d’habiter la tech.
Julie Cristofol est Architecte d'Entreprise chez CA-GIP (Crédit Agricole Group Infrastructure Platform). Elle ne cherche pas à briller, mais à relier. Elle avance avec méthode, creuse les sujets, bâtit des ponts entre les enjeux techniques, stratégiques et humains. Son parcours raconte ce que peut être une carrière dans la tech quand on choisit d’y tracer sa voie sans céder aux injonctions. Un chemin où l’on ne s’impose pas — on construit, lentement, durablement, un espace à sa mesure.
Le premier élan
À dix ans, Julie sait déjà. Elle écoute, fascinée, une amie de ses parents parler de son métier d’ingénieure. À mesure que le récit s’installe, quelque chose s’éclaire. “Elle comprenait les systèmes, savait où elle allait, et embarquait les autres avec elle. C’était exactement ce que je voulais devenir.” Une direction se dessine. Elle naît d’un élan simple : comprendre, construire, agir. Les soutiens, eux, ne suivent pas toujours. On lui répète que ce n’est “pas un métier pour une femme”, qu’il lui manque “le raisonnement scientifique.” Julie entend, mais elle continue.
Architecture d’un parcours
Julie commence comme testeuse dans une TMA. En trois mois, elle conçoit déjà les campagnes de tests. Elle veut aller plus loin. Devenir développeuse. Elle apprend, observe, se rend utile. Chaque mission devient un terrain d’apprentissage. Plus tard, elle code enfin, puis bifurque vers l’AMOA, puis l’architecture applicative. À chaque étape, sa vision s’élargit. Elle comprend mieux les liens entre les besoins métiers, les choix techniques, les enjeux d’ensemble. Elle cherche le point de rencontre entre la conception, l’impact et la cohérence.
Bâtir dans le creux
Dans certains environnements cependant, être compétente ne suffit pas toujours. Il faut encore se justifier d’être là. Pour une femme, la technique reste parfois un territoire à conquérir, non par goût du pouvoir, mais simplement pour avoir droit à l’écoute. Un jour, face à un client, elle propose une solution. Rien. Le silence. Puis le même propos, repris par un collègue masculin, est accepté sans réserve. “Je me suis dit : très bien, je vais faire mes preuves. Je sais le faire.” Alors elle le fait. Sans détour. Sans mise en scène. Jusqu’à ce que sa présence devienne une évidence.
Au début d’une autre mission encore, on lui préfère des profils plus expérimentés, plus installés. Elle y va quand même. Elle travaille, attend, affine. Un jour, ce sont ses recommandations que l’on suit. Rien de spectaculaire. Juste un basculement discret : sa parole prend poids. La légitimité ne lui a pas été donnée, mais elle l’a construite. À force de rigueur, de patience, de constance. Non pour occuper l’espace, mais pour en créer un. À sa mesure. Un espace qui n’existait pas encore, mais qui, désormais, tient.
Penser ce qui relie
Aujourd’hui architecte d'entreprise, Julie est à sa place. “Je comprends que je suis arrivée au bon endroit.” Dans son rôle actuel, elle ne porte plus seulement ses idées : elle porte celles des autres, celles des expertes et experts techniques dont la voix, trop souvent, restait en marge. Les sujets sont vastes : éco-conception, IA générative, projets pour les différentes entités du groupe Crédit Agricole, réflexions transverses à l’échelle du Groupe. Ce qui lui plaît, c’est la complexité. “Je ne m’ennuie jamais. Il y a toujours un nouveau défi intellectuel, une nouvelle solution à inventer.” Ce qu’elle cherche, c’est la cohérence. Faire le lien entre les exigences métiers, les choix applicatifs, les contraintes d’infrastructure ou de conformité. Offrir une vision qui rassemble. Penser un système qui tienne, dans sa globalité.