Portrait de femme dans la tech : Angi Guyard

Quatre portraits, quatre voix. Non pour ériger des modèles, mais pour élargir notre regard sur la tech. Avec Women’s Vision, il s’agit moins de célébrer que d’écouter. Accueillir les voix discrètes, les chemins sinueux. Et reconnaître d’autres façons d’habiter la tech.

Portrait de femme dans la tech : Angi Guyard

Angi Guyard est ingénieure chez Shodo et conférencière. Elle intervient sur les questions d’inclusion, d’accessibilité, de neurodiversité et particulièrement d’autisme — non depuis un savoir abstrait, mais depuis un parcours marqué par l’ajustement et l’apprentissage. Elle n’a pas le bac. Elle a été serveuse. Puis elle a découvert l’école 42 : une formation sans diplôme requis, sans professeur à suivre, sans hiérarchie du savoir. Elle y est entrée et quelque chose s’est ouvert. Depuis, elle trace son chemin hors des cadres attendus. Elle parle de surcharge sensorielle, de fatigue invisible, de besoins simples mais essentiels. Elle partage, non pour convaincre, mais pour faire place. À d’autres voix. D’autres manières d’être là.

Une langue commune

À dix ans, avec son père, Angi assemble un ordinateur. L’informatique, elle aimait ça. Mais elle n’avait jamais cru pouvoir en faire un métier, surtout quand on n’a pas le bac et qu’on est serveuse. “Je pensais que c’était un truc réservé aux élites.” Elle le dit sans colère, presque doucement, comme on évoque une frontière qu’on a longtemps crue infranchissable. Puis un jour, un article sur l'école 42 apparaît. Une école sans diplôme requis, sans professeur, sans hiérarchie du savoir. Juste des jeux de logique. Et c’est là que quelque chose commence. Ou peut-être recommence. “C’était la première fois que j’arrivais à sociabiliser avec des gens. J’avais l’impression qu’on parlait la même langue.” Autour d’elle, des trajectoires éclatées : une vendeuse de hamsters, un moine bouddhiste, des bac +5. Rien ne les liait, sinon ce désir commun de recomposer un sens là où, ailleurs, il s’était perdu.

L'inconfort d'exister

La suite n’a rien d’un conte linéaire. Il y a la maladie, deux années d’épuisement dans un logement insalubre. Le corps lâche. Puis un premier stage, un CDI. Une forme de stabilité. Mais très vite, les premières dissonances apparaissent. L’inclusion évoquée lors des entretiens d’embauche se heurte à des gestes mal accordés, à des mots qui réduisent. Elle découvre ce que recouvre parfois une bienveillance mal ajustée : des attentions qui, sans le vouloir, isolent plus qu’elles ne relient. “Je pensais qu’ils allaient faire des adaptations pour que je puisse fonctionner… mais j’ai été pas mal infantilisée. En mode : “nous, on sait mieux que toi ce dont tu as besoin. [...] On me disait : “ici, tu peux être toi-même”. Mais dès que je l’étais, on me demandait de faire autrement.”

Dire pour ne pas disparaître

Angi apprend à poser des mots là où il n’y en avait pas. Elle parle de surcharge sensorielle, de communication brouillée, de besoins simples mais non négociables. “Quand mes besoins ne sont pas remplis, j’ai des fonctions qui s’éteignent. Parler, par exemple.” Elle ne demande pas qu’on s’excuse à sa place. Elle souhaite seulement que cela soit compris. Que l’on mesure, sans pathos, ce que cela coûte de maintenir l’équilibre dans un monde trop dense, trop bruyant. “On n’est pas incapables. On a juste besoin d’adaptations. Et souvent, ces adaptations profitent à tout le monde.” Elle parle pour elle, mais aussi pour celles et ceux qu’on n’entend pas, ou trop tard. Ce qu’elle cherche, en nommant, ce n’est pas à se justifier, mais à demeurer fidèle à ce qu’elle est — sans s’effacer.

L’écart comme passage

Aujourd’hui, Angi est ingénieure. Elle code, elle forme, elle prend la parole. Elle crée des espaces pour les femmes dans la tech, s’engage pour l’accessibilité, transmet ce qu’elle aurait aimé recevoir. Mais elle le fait sans s’imposer. Sa légitimité, elle ne la revendique pas : elle l’incarne, à sa manière. “Je ne suis pas parfaite, mais je suis vivante. Et ça suffit pour être un modèle.” Elle dit cela sans chercher à convaincre. Elle dit cela comme on tend la main. Pas pour diriger, mais pour signaler que c’est possible. Que l’on peut se frayer un passage dans l’écart.

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