L'IA générative, accélérateur ou frein à la gouvernance de vos données?
L'IA générative s'avère être un excellent levier pour initier rapidement la gouvernance de vos données. On vous explique comment.
Le SI en 2030 sera agentique, c'est une certitude. La question maintenant est de prévoir au mieux comment cela va s'agencer et comment préparer au mieux son SI pour accueillir les agents IA.
Entre les cabinets de conseil qui nous expliquent que chacun devra gérer dans le futur entre 3 et 6 agents et les youtubers en mal de buzz qui déforment les propos de Satya Nadella, le patron de Microsoft, pour clamer que l'arrivée des agents IA signifie la mort du SaaS, nous voilà bien.
Nos convictions sur le sujet, affinées par des discussions et des travaux menés avec quelques clients sur l'avenir de nos systèmes d'information, peuvent se résumer ainsi :
Détaillons les raisonnements derrière ces assertions.
Dans le SI de 2030, les API seront au cœur des conversations, avons-nous coutume de dire à nos clients. Voilà des années que nous associons l'expérience utilisateur avec l'interface graphique ; l'arrivée de l'IA en mode chat nous a fait basculer dans un monde conversationnel, où il faut réfléchir à la manière dont on va formuler sa question pour obtenir la réponse la plus pertinente possible. Nous sommes entrés dans une ère cognitive.
Dans cette ère cognitive, les API deviennent des clés d'accès critiques, essentielles, aux produits IT. Il peut s'agir de produits et d'artefacts créés par l'entreprise, fournis par des éditeurs tiers ou accessibles sur le Web, donnant accès à des services IT ou de la data.
Des agents spécialisés peuvent être construits pour appeler spécifiquement tel ou tel service, au travers de son API. Ce qui reproduit la manière dont on conçoit aujourd'hui nos fronts : c'est tout à fait valable, mais élimine toute possibilité de sortir du rôle, d'évoluer, de répondre à des changements. Or, le SI doit rester en mouvement, pour évoluer au même rythme que la société - et pouvoir répondre aux sollicitations des collaborateurs de l'entreprise.
Nous pouvons imaginer que les agents seraient alors suffisamment intelligents pour détecter les services, lire la doc et les conditions d'utilisation de leurs API et générer à la volée les requêtes ad hoc. Comme nous le faisions remarquer dans cet article sur MCP, imaginer un tel scénario à l'échelle semble totalement irréaliste.
A la place, Anthropic a proposé que chaque service exposé crée son serveur MCP, détaillant les services rendus, et facilement interrogeable grâce aux clients MCP intégré dans les agents IA.
Proposé par Google en avril dernier, le protocole Agent-to-Agent (A2A) représente un ensemble de règles et de conventions qui régissent la communication et l'interaction entre des agents autonomes au sein d'un SI. L'idée est de pouvoir chaîner plusieurs agents de manière simple, pour effectuer des tâches complexes. Dans un SI agentique, la requête d'un collaborateur pourra ainsi déclencher un enchaînement d'actions prises par différentes agents pour aboutir au résultat désiré (y compris aller solliciter un agent externe via une interaction MCP).
Avec de tels protocoles, nous parlons d'interopérabilité, de découverte de services, de formats de message... des thèmes qui feront à coup sûr tilt chez les plus anciens d'entre nous, qui avons vu arriver les messages SOAP et autres annuaires UDDI, pour essayer de donner un peu de souplesse aux systèmes distribués. Ce ne fut pas une réussite majeure. Toutefois, les agents IA sont - de très loin - beaucoup plus performants que nous pour lire et analyser des protocoles et enveloppes de messages et s'y adapter ; gageons que ces capacités nous permettront cette fois d'aller un cran plus loin.
Cette perspective d'un SI agentique, où le collaborateur sera entouré d'agents spécialisés, amène forcément à se poser la question : combien d'agents un employé devra-t-il manipuler (avant de risquer le burn out) ?
De fait, si on remplace les applications du quotidien par la possibilité de tout réaliser en demandant, même simplement, à une ribambelle d'agents de le faire pour soi, on voit facilement émerger une perspective horrible où les gens seront submergés par des milliers d'agents, plus ou moins bien recensés et catalogués.
A l'échelle de l'entreprise, gouvernance et architecture seront nécessairement les premières réponses pour éviter ce chaos.
A l'échelle de l'individu, la meilleure réponse semble être de créer un agent personnel. Un agent conscient de votre métier, de votre rôle exact, mais aussi de vos préférences (vecteur de communication, format de restitution, etc.), qui se chargera d'interroger les autres agents ou d'accéder directement aux services applicatifs ou data products nécessaires.
Célèbre entrepreneur et investisseur de la Silicon Valley, Jeremiah Owyang a apporté le même type de réponse :
The number of agents you’ll have is equal to the number of email accounts you currently use. Today, most people have around three email accounts: one personal, one as a catch-all, and one issued by their employer. I predict you’ll have at least three AI agents serving you in the same way.
Le nombre d'agents que vous aurez sera égal au nombre de comptes emails que vous utilisez aujourd'hui. La plupart des gens en ont trois : un personnel, un "attrape-tout" et un fourni par l'employeur. Je prédis, dit Jeremiah, que vous aurez de la même manière au moins 3 agents à votre service.
Cet agent "professionnel" (personnel mais fourni par l'entreprise, pour reprendre le distinguo opéré par Jeremiah Owyang) va devenir la porte d'entrée pour réaliser ses missions. Ce que d'aucuns ont rapidement traduit par la mort du SaaS à moyen terme : si le collaborateur n'a plus besoin d'interface graphique, qu'il doit juste accéder à des données et qu'il peut facilement demander à l'IA de lui générer ses process sur mesure, quel besoin aura-t-il encore en effet de tous ces progiciels ?
Là encore, les plus anciens d'entre nous pourront lever le doigt : accéder simplement aux données et faire ses propres calculs, c'était la promesse des outils de self-BI. Qui ont connu un succès énorme à leur arrivée, car ils permettaient aux utilisateurs de sortir des carcans imposés et des cycles de plusieurs mois pour changer une virgule dans un dashboard. Mais le retour de balancier a été cruel : quand tout le monde peut manipuler les données à sa guise, on se retrouve vite avec des divergences tellement importantes qu'elles rendent le pilotage impossible.
L'intérêt des progiciels est de formaliser des processus et d'aligner les acteurs de l'entreprise, pour qu'ils partagent ces processus et les données de référence. En ce sens, et même si cela reste imparfait, ils ont donc encore un rôle essentiel à jouer. Ce qui compte, et on en revient aux API, c'est qu'ils délivrent et exposent ces services, ce n'est pas leur interface graphique.
Autrement dit, le SaaS va non pas mourir, mais se transformer, et évoluer vers une version headless, à destination des agents.
Certains y laisseront des plumes, en revanche : le SaaS qui cache des process basiques derrière une interface fancy ne fera pas illusion longtemps, il pourra facilement être remplacé par un agent spécialisé.
Deux sources à consulter :
Dans cette interview récente, Satya Nadella revient sur ses propos chocs sur le SaaS et détaille sa vision du SI agentique
Le toujours pertinent Jeremiah Owyang sur le nombre d'agents à sa disposition